Mangaverse à Angoulême


FIBD 2012

Cette page est consacrée à la bande dessinée taïwanaise et reprend les textes de l'exposition « Taïwan, ocean of comics », accompagnés de photos prises dans le pavillon situé dans la cour de l'Hôtel de Ville.

 

Taïwan, un océan de bandes dessinées

Taïwan, un pays insulaire au cœur de l'Asie, bercé par le Pacifique

Les Taïwanais raffolent de bandes dessinées : chaque Taïwanais, au fil de son enfance et de son adolescence, entretient un lien plus ou moins étroit avec la bande dessinée. Certains ont même commencé leur apprentissage des caractères à travers les comics américains tels que Little Henry ou Snoopy, publiés dans les journaux pour enfants. D'autres ont loué dans des librairies de quartier des mangas japonais comme Black Jack ou Slam Dunk, et passé ainsi tous les week-ends et moments perdus de leur adolescence plongés dans la lecture d'un volet de la littérature nippone. Certains comics américains comme Spider-man ou Batman ont d'abord été découverts dans leurs versions cinématographiques, tout droit sorties des studios hollywoodiens. Ce n'est que plus tard que les lecteurs taïwanais ont constaté l'existence de ces super héros américains dans leur format papier. Il faut attendre l'âge adulte et les premiers voyages à l'étranger pour enfin être confrontés à la bande dessinée la plus connue des Européens, Les Aventures de Tintin, et parcourir le monde en compagnie du célèbre mais mystérieux garçon à la fameuse mèche blonde rebelle.

C'est une évidence : BD, comics, mangas, peu importe leurs noms, ils influencent tout le monde de la création taïwanaise. Et c'est au milieu de tous ces courants que les auteurs de BD taïwanais découvrent, s'inspirent et admirent, pour trouver leur propre style.

Pour la première fois présent à Angoulême, le pavillon taïwanais témoigne, autour du thème « Taïwan, un océan de bandes dessinées », du développement de la bande dessinée taïwanaise depuis les dix dernières années et met en lumière la libre expression de courants artistiques variés.

Vague : on peut diviser l'histoire de la BD taïwanaise en trois courants distincts :
- le courant d'argent (1950-1967) : à l'ère de la radio et de la télévision noir et blanc de l'après-guerre, la BD s'impose comme support éducatif incontournable pour les enfants.
- le courant d'or (1985-1999) : grâce au développement des journaux en véritables magazines de BD spécialisés et sous l'effet de l'importation de mangas japonais, la lecture de bandes dessinées devient un loisir national et les scénaristes empruntent le chemin de l'excellence littéraire.
- la nouvelle vague Mix (2005-) : avec l'entrée dans l'ère numérique, la bande dessinée papier voit son importance décroître, les illustrateurs recherchant continuellement de nouvelles plateformes d'expression. De l'Internet et du numérique à la création libre et aux expositions, du développement du multimédia à la combinaison de toutes sortes de produits, l'évolution des mélanges semble sans fin.

Vent : Le vent d'Est a apporté la grandeur de l'histoire chinoise, l'influence des mangas japonais ; le vent d'Ouest a apporté l'humour des comics américains, le style artistique recherché des BD européennes et le coup de pinceau de leurs auteurs.

Ecologie : un pinceau, une feuille de papier : voilà l'âme de la bande dessinée. Page après page, l'album prend forme. La BD est en interaction avec le cinéma et la télévision, elle est la source de nombreux produits dérivés, le monde de la musique et de la BD se soutiennent mutuellement, et il arrive même parfois que le milieu scientifique, en quête d'inspiration, se tourne vers l'univers de la BD pour trouver réponse à ses interrogations.

Cette année, vingt auteurs taïwanais, toutes générations confondues, ont été invités à participer au Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême. Certains illustrateurs, au sens de l'humour particulièrement développé, ont été révélés dans des journaux ou revues, d'autres n'ont cessé de publier leurs histoires dans des magazines mensuels. Le style des uns se rapproche de la science-fiction européenne ou américaine, tandis que d'autres auteurs de la nouvelle génération surfent sur la vague cosplay et s'appuient sur le tremplin qu'offrent les expositions pour se faire connaître. Tous les styles narratifs et graphiques sont représentés ici, sans exception.

CHEN Uen utilise l'encre de Chine pour faire revivre d'illustres personnages de l'histoire de Chine. C'est ainsi qu'il est devenu un grand maître, célèbre dans toute l'Asie. PUSH COMIC (Ah Tui), adepte du style européen, ne se contente pas d'écrire et d'illustrer de la BD de science-fiction, il suit en parallèle un autre chemin, celui de la confection de figurines de BD.

D'autres auteurs, comme RUAN Guang-Min et Xiao-Zhuang, mettent en avant le côté culturel local de Taïwan. Sous leurs pinceaux naissent de véritables tableaux dans lesquels évoluent leurs personnages. La Révolte de Wushe, de CHIU Row-Long, relate quant à elle un fait historique : le soulèvement des aborigènes contre l'occupant colonialiste japonais dans les années 1930. Cette BD a été adaptée au cinéma en 2011, sous le nom de Seediq Bate et a provoqué un véritable raz-de-marée dans les salles obscures taïwanaises.

Les créateurs de la nouvelle génération comme LI Lung-Chieh, Tpcat ou Chi, sont sortis de la voie traditionnelle. Ils se sont détournés de l'édition commerciale, à la recherche d'une autre direction. Ils se consacrent à la création pure et à la préparation de compétitions ou d'expositions collectives, et laissent libre cours à leur imagination.

Bienvenue à Taïwan ! Nous pouvons maintenant mettre les voiles et partir ensemble à la découverte de cet océan de bandes dessinées.

Conservateur du pavillon taïwanais.

Aho HUANG

 

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Le courant d'argent

Les origines de la bande dessinée taïwanaise remontent à l'époque de l'occupation japonaise, mais sa naissance n'a vraiment eu lieu qu'après la Seconde Guerre Mondiale. Son développement a suivi celui de l'économie : la BD en noir et blanc a fait son apparition avec l'arrivée des premiers postes de radio ; abordable et de bonne qualité, elle est très vite devenue un passe-temps très prisé des Taïwanais. Puis ce fut autour du téléviseur noir et blanc de faire son entrée dans les foyers, qui aux yeux des ménages, se sont transformés en petits paradis.

Des bandes dessinées aux magazines pour enfants, la première génération d'illustrateurs a, pour répondre aux attentes des lecteurs, assuré une production rapide et de quantité, tout en entraînant avec elle les enfants taïwanais dans le courant d'argent.

De la bande dessinée à Oncle Niu part en guerre

En 1949, le gouvernement de la République de Chine trouve refuge à Taïwan, entraînant avec lui l'armée, le peuple mais aussi la BD de Chine continentale, en vogue à Shanghai, mais également à Hong-Kong. Les BD de l'époque, bien que de petit format et basées principalement sur l'opéra traditionnel chinois, parvenaient sans peine à enthousiasmer les lecteurs par le charme de leurs histoires, de leurs personnages, de leurs cases et de leurs traits de crayons dépourvus de toute couleurs.

Frère Niu (1925-1937), de son vrai nom LEE Fay-Mon, était à la fois romancier et illustrateur de bandes dessinées. En imaginant « Oncle Niu », « Petite sœur Niu », « Grand-mère Niu » et les autres personnages de la BD-feuilleton publiée dans le Central Daily News et le Dawa News, il lança la première vague de bandes dessinées à Taïwan. Il a soutenu la nouvelle génération d'auteurs, dont Zhao Ning, surnommée « la classe de la famille Nu ».

Des Camarades d'école au Roi de la bande dessinée

La revue mensuelle pour enfants « Camarades d'école » (1953-1959) était un périodique richement illustré et au contenu éducatif, grâce auquel certains auteurs de BD tels CHEN Ding-Guo, CHEN Hai-Hong ou LIU Hsing-Chin sont devenus célèbres. Par la suite, d'autres revues de ce type ont profité de cette vague pour conquérir le public des enfants.

L'hebdomadaire « Roi de la bande dessinée », fondé en 1958 et spécialisé dans l'édition de bandes dessinées, a publié la série Zhu-Ge-Si-Lang de YEH Hong-Chia. À partir de cette époque, de nombreuses revues du genre commencent à se livrer une terrible concurrence, certaines se créent, d'autres disparaissent ; de plus en plus nombreux, les illustrateurs font valoir leur talent : Shan-Pa, XU QI-Lin, LIN Da-Song, etc… Lorsqu'on est un auteur de renon, il faut sans cesse créer et souvent publier des BD en série dans différentes revues à la fois.

YEH Hon-Chia, Zhu-Ge-Si-Lang

YEH Hong-chia (1923-1990), originaire de Hsinchu, partit au Japon en 1942 pour étudier les beaux arts pendant deux ans. En 1958, il publie Zhu-Ge-Si-Lang (Le Clan des monstres guerriers) dans la revue Roi de la bande dessinée. L'intrigue de cette BD aux lignes épurées, mettant en scènes un jeune redresseur de torts et une bande de hors la loi masqués, a séduit toute une génération de jeunes Taïwanais. Plusieurs décennies plus tard, le chanteur taïwanais LUO Ta-Yu fait revivre la légende de ce héros dans les paroles de sa chanson « Enfance » : « … Zhu-Ge-Si-Lang et le clan des monstres, mais qui a donc volé l'épée précieuse… ». Dans cette lutte entre le bien et le mal, YEH Hong-Chia imagina deux personnages. Si-Lang et Zhen-Oing, combattant des bandes de méchants : le clan des monstres, la bande du serpent noir, double-face, les dix voleurs du tigre et du dragon… Au rythme approximatif d'une histoire par an, les lecteurs suivaient avec passion et inquiétude les aventures de Zhu-Ge-Si-Lang, tout au long de l'année.

LIU Hsing-Chin, Les Robots

Né en 1934, LIU Hsing-Chin est diplômé de l'école de formation des maîtres en beaux arts de Taipei. En créant des bandes dessinées pour faire comprendre à ses élèves le monde imaginaire de la BD, ce professeur d'arts plastiques en école primaire ne s'attendait pas à succomber lui-même à la magie de ses illustrations. Il imagina deux personnages, « Frère A-san » et « Grand-tante », crées plus ou moins à son image et à celle de sa mère. Originaires de la campagne, ces deux protagonistes débarquent en ville où ils vivent des aventures inattendues. Enseignant le jour et dessinateur le soir, LIU Hsing-Chin publia la série de BD pour enfants, Les Robots, laquelle le plongea dans l'univers de la recherche et de l'invention. Plus qu'un auteur de bandes dessinées, c'est un inventeur ultra-productif.

 

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Le courant d'or

À l'époque où la BD était réglée par un système officiel rigide dont elle subissait l'influence, le développement et la création des bandes dessinées taïwanaises s'atrophièrent, poussant de nombreux illustrateurs à changer d'orientation professionnelle.

Au début des années 1980, avec l'augmentation des rubriques de journaux consacrées à la BD, le milieu de l'illustration s'offrit une seconde jeunesse. Chaque matin, des adultes et des jeunes se livraient à une course contre la montre, sur le chemin du travail ou de l'école, pour finir de lire l'épisode de la BD-feuilleton de AOYou-Xiang, Wullom Yuan, fraîchement imprimé dans le China Times du jour. Avec la levée de la loi martiale, l'épanouissement des revues de bandes dessinées, l'obtention des droits de publication des mangas japonais et l'esprit créatif des auteurs locaux, le courant d'or déferla sur Taïwan.

L'envolée des revues de bandes dessinées

On peut dire que le courant d'or commence avec la publication des BD-feuilletons dans les journaux : Wuloom Yuan parait dans China Times, Maris et Femmes de Lao Chiung dans United Daily News… Chaque groupe de presse rivalise dans la recherche de nouveaux talents. Une fois devenus célèbres, ces auteurs publient, dans une édition spéciale et sous forme de livre, l'intégralité des épisodes d'une BD-feuilleton ; c'est à chaque fois un best-seller. Le métier d'auteur de bande dessinée devient alors comparable à un titre de noblesse qui inspire le respect.

Les magazines de BD se diversifient et gagnent immédiatement en qualité : on trouve alors des revues de BD purement locales comme Joy Comic et Weekly Comic, des revues de BD exclusivement japonaises comme New Shonen Jump, des revues mélisses Japon-Taiwan comme TOP et autres revues pour jeunes adolescentes. Au milieu des années 1990, la revue de BD mensuelle HIGH commence à s'inspirer du style européen. Les illustrateurs taïwanais sont alors comme des poissons dans l'eau et laissent libre cours à leur esprit créatif sur tous les tableaux.

À la conquête de l'Asie

Depuis les amendements de la loi des droits d'auteur en 1992, les mangas japonais ont officiellement pénétré le marché taïwanais. Abordant des thèmes variés, s'adressant à des lecteurs et lectrices de toute tranche d'âge, bénéficiant d'une structure industrielle complète, le marché japonais est alors considéré comme un modèle par les maisons d'édition taïwanais et comme un idéal par les auteurs taïwanais, qui rêvent d'y trouver leur place. En 1990, CHEN Uen travaille main dans la main avec Kôdansha, la plus grosse maison d'édition japonaise, et publie Biographie des héros de la dynastie des Chou de l'Est, ouvrant ainsi la voie vers l'Empire du Soleil Levant à d'autre auteurs tels Du-Lu, Pintan & Shu-fen, etc…

La Chine continentale est un autre marché convoité. Plusieurs artistes taïwanais comme AO You-Xiang, TSAI Chih-Chung, CHU Teh-Yong et Loïc HSIAO ont déjà pénétré le continent chinois, où ils jouissent d'ores et déjà d'une certaine renommée. Hong-Kong, la Corée et l'Asie du sud-est seront tes prochains partenaires d'échanges de droits de publication et de publication et de coopération entre auteurs.

AO You-Xiang, Wuloom Yuan

Né en 1967, AO You-Xiang est diplômé de l'école d'art et de commerce de Taipei. À partir de 1980, le petit chien Pipi ravit les lecteurs au fil de la BD du même nom, constituée de quatre cases par page. En 1983, Wuloom Yuan parait dans China Times. Les quatre protagonistes d'un temple imaginaire Shaolin, Petit Di, Grand Hsiong, Maître Gros et Maître Grand Sourcil, ont bouleversé les habitudes du petit matin de tout Taïwan. Cette BD, vendue à un million d'exemplaires, a été adaptée en dessin animé, en film à la télévision, et éditée dans de nombreux journaux asiatiques… En plus de trente ans de carrière, AO You-Xiang a publié des dizaines de BD telles Bande dessinée des proverbes chinois et la collection Wuloom Yuan. Il est apprécié de part et d'autre du détroit de Formose.

LIN Cheng-Te, YOUNG GUNS

Né en 1965, LIN Cheng-Te a travaillé de nombreuses années pour une compagnie de dessins animés. En 1991, il publie YOUNG GUNS. Cette BD, qui raconte la vie sur le campus et le terrain de baseball d'un lycée, suscita l'intérêt de nombreux jeunes lecteurs. Style japonais, forme de dessin animé et thèmes taïwanais, voilà en gros les jalons que l'auteur suivit à l'époque pour créer cette série de BD, vendue à un million d'exemplaires et adaptée en version dessin animé à la télévision. Le célèbre roman de style wuxia, dont s'est inspiré LIN Cheng-Te pour l'écriture d'une BD, a été adapté en film, mais aussi en série télévisée sous le nom de Royal Tramp (Vagabond royal). LIN Cheng-Te réside actuellement à Shanghai.

 

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La nouvelle vague Mix

Au début du XXIe siècle, avec l'entrée dans l'ère numérique, les habitudes des lecteurs ont connu de brusques changements, et l'on a assisté à un net recul des BD papiers et des revues de bandes dessinées. Sites internet, blogs, facebook, ces lieux d'échanges sont peu à peu devenus les principales plateformes de publication des auteurs, et les canaux de communication directe privilégiés des lecteurs.

Les revues spécialisées dans la BD souffrent du changement de cap qui s'opère depuis une décennie. Le caractère commercial n'a plus le vent en poupe, et les dôjinshi, comparables à des clubs d'amitié, lui mènent la vie dure. Une autre sorte de plateforme, particulièrement prisée par la nouvelle génération d'auteurs de BD, est sur le point de voir le jour. De nombreux créateurs de BD ont pour point de départ le milieu des dôjinshi ; ils entrent ensuite dans le monde de la publication commerciale, mais ils restent fidèles à leurs intentions premières: ils vivent de la publication commerciale, mais trouvent le plaisir dans la création non-professionnelle.

Cette nouvelle génération de créateurs regroupe des membres de tout âge qui participent à des manifestations internationales. Leurs domaines d'activité recouvrent les concours, les expositions et s'étend même à l'élaboration de produits commerciaux. Les bédéistes taïwanais sont confrontés aux mêmes défis et dilemmes que le reste de la planète: papier vs numérique, commercial vs non lucratif, local vs global.

Bande dessinée et ère numérique

En 2004, Wan Wan, une jeune Taïwanaise qui n'avait auparavant jamais rien publié dans aucune revue, fit irruption dans la vie des jeunes Taïwanais. Les émoticônes qu'elle avait dessinées furent téléchargées par des quantités d'utilisateurs MSN. Quelques mots, associés à des images représentant les petits malheurs du monde du travail et les aléas de la vie de famille, le tout sur un ton détendu : la recette fut immédiatement adoptée par de nombreuses internautes. Sa première œuvre, Je suis obligé d'aller travailler ? – Le journal dessiné de Wan s'est vendu comme des petits pains dès sa publication. Les sites internet, les blogs et facebook sont devenus les lieux d'expression de bases des jeunes créateurs de BD. Les œuvres des adeptes du genre comme River's 543 de River, Tous des beaufs de Mark, Voilà le roi Ma de WEI Tsung-cheng ont été découvertes sur la toile avant de devenir des best-sellers.

Les dôjinshi, fanzines de mangas

Dôjinshi est un terme issu du langage des mangas japonais. Il désigne des recueils de mangas édités de façon non-professionnelle, principalement par des jeunes fans de mangas parodiant ou rendant hommage à d'autres œuvres populaires. Suivant la mode japonaise, les dôjinshi ont fait leur apparition à Taïwan à partir des années 1990. Support de parodies, du cosplay et des réunions périodiques de publication, les dôjinshi sont devenus la plateforme de communication et d'échange favorite des jeunes auteurs.

La jeune artiste AKRU a commencé par publier ses créations dans des fanzines de mangas, avant de participer à des concours de BD. L'une de ses œuvres, Les Ailes de Kopule, a été récompensée par le prix du GIO en 2008. Une autre de ses BD, Les Méandres de la Cité du Nord, publiée par CCC - Creative Comic Collection, et dont l'intrigue a pour décor un café de Taipei pendant l'occupation japonaise, a été très bien accueillie par un lectorat de jeunes adolescentes, et s'est vue décerner le Prix de la BD d'or en 2011.

Diversification et internationalisation

Industrie créative, mélange des genres… ces nouveaux mots reflètent les multiples capacités de la jeune génération d'auteurs, qui doivent, en plus d'être capables d'illustrer des BD, exceller dans de nombreux autres domaines. C'est le cas par exemple de CHIU Row-Long. Lorsque sa BD La Révolte de Wushe, a été adaptée sur le grand écran, sous le titre Seediq Bale, il a endossé le rôle de directeur artistique lors du tournage du film. En plus d'écrire des BD, PUSH COMIC (Ah Tui), un autre auteur, consacre beaucoup de son temps et de son énergie à la création de jouets et de figurines. TSAI Chih-Chung, quand à lui, revisite les classiques chinois pour les remettre au goût du jour sous forme de bandes dessinées, et combine les illustrations de BD aux objets d'utilisation quotidienne, mais de qualité. CHEN Uen, en plus d'illustrer à l'encre de Chine des BD inspirées du style littéraire chinois wuxia, s'est lancé dans la conception de jeux vidéo. Pinfan & Shu-Fen, TX, MICKEYMAN et autres auteurs participent activement aux expositions organisées au Japon, en Chine ou en Europe. Quelle époque intéressante : la BD résiste, suivi et garde son essence et même arrive à s'adapter aux nouveaux médias pour progresser.

 

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Vent

Vent d'Est

Entouré de toute part par la mer, à chaque fin d'année, Taïwan est assailli par de forts vents marins. De même, l'univers de la BD taïwanaise subit l'influence de toutes sortes de courants littéraires. En Orient, le plus trappant est le courant de bandes dessinées qui souffle en provenance de la Chine, marqué par la littérature classique, les romans, et l'opéra traditionnel. Il est contrecarré par un vent de force opposée, qui déferle depuis le Japon et influence Taïwan par son style narratif et pictural, mais aussi par son caractère industriel. Les œuvres classiques et historiques chinoises sont un trésor, une source d'inspiration inépuisable pour toutes les générations d'auteurs taïwanais : CHEN Ding-Guo et son penchant pour l'opéra traditionnel, TSAI Chih-Chung et son goût pour la philosophie chinoise, CHEN Uen et sa maîtrise de la peinture à l'encre de Chine. Même au début du XXIe siècle, des romans classiques comme Le Voyage en Occident, L'Histoire des Trois Royaumes et Les Contes étranges du Studio du Bavard sont encore réinterprétés et passionnent toujours autant les lecteurs. Les mangas japonais ont influencé la culture de toute l'Asie. Les traits de crayons, le storyboard, les personnages et les scénarios, jusqu'à la numérotation des épisodes, la catégorisation des revues, les éditions spéciales et le monde de fonctionnement industriel, toutes ces spécificités du manga japonais ont influence la bande dessinée taïwanaise.

TSAI Chih-chung : la pensée traditionnelle chinoise et la BD

Né en 1948, TSA Chih-Chung entre dans le monde de la bande dessinée à l'âge de 15 ans. Il réussit l'exploit de publier deux cent BD avant d'atteindre ses 20 ans, et fonda une entreprise d'animation. En 1985, il publie Les Mots de Zhuang Zi, et adapte les enseignements des principaux penseurs de l'antiquité chinoise sous forme de bandes dessinées. Par la vivacité de ses coups de crayons, il offre une seconde jeunesse à ces vieux philosophes insipides. Diverses séries comme Les Mots de Laozi, Les mots de ConfuciusSûtra de l'Estrade, etc… remportèrent un franc succès auprès des lecteurs. Comme ces séries attiraient un large public, dès lors, les bandes dessinées taïwanaises purent bénéficier de leur propre rayon dans les librairies. Les BD de philosophie classique de TSAI Chih-Chung se sont vendues dans plus de vingt langues différentes à travers le monde. L'une d'entre elles, Caigentan, est même parue dans les manuels scolaires utilisés dans les lycées japonais. Ces dernières années, TSAI Chih-Chung s'est penché sur d'autres thèmes traitant de la physique et de l'astronomie pour créer de nouvelles BD.

CHEN Uen : le Wuxia à l'encre de Chine

Né en 1958, CHEN Uen est diplômé de l'école d'art de commerce de Taipei. Avant de se lancer dans la bande dessinée, il a travaillé de nombreuses années pour différentes entreprises de design, avant de fonder sa propre entreprise de design d'intérieur. Ce n'est qu'à partir de 1983, année où il remporte le prix de la meilleure œuvre lors d'un concours de BD, qu'il se lance professionnellement dans le monde de la création. En 1985, il publie Biographies des assassins dans la revue JOY, illustrée à l'encre de Chine, cette BD raconte avec force minutie les légendes souvent tragiques de divers héros de l'histoire de la Chine. Sa maîitrise de la peinture à l'encre transporte le lecteur dans un autre temps. En 1989, il travaille main dans la main avec la scénariste Mali pour la création de L'Épée d'Abi. À eux deux, ils libèrent la BD de style wuxia du carcan traditionnel dans lequel elle était retenue prisonnière auparavant. Ils ouvrent une voie entre l'amour et la haine, et la doctrine bouddhiste. La vie n'est qu'un rêve. En 1991, CHEN Uen est invité par la plus grosse maison d'édition nipponne Kôdansha à se rendre au Japon, où il publie la série Légendes des héros de la dynastie des Chou de l'Est, pour laquelle il obtient le prix du manga d'excellence par l'Association des mangaka japonais. Ces dernières années, il navigue entre Taïwan, la Chine et Hong-Kong, où il se consacre à l'illustration de BD et à la conception de jeux vidéo.

Vent d'Ouest

Venus du lointain, les vents d'Europe et d'Amérique sont comparables à une douce brise d'été. Les comics de super héros américains, bien qu'adaptés à l'écran par les studios d'Hollywood, comme Spider-man ou Batman, n'ont jamais vraiment conquis le lectorat taïwanais. Ces comics, régulièrement publiés dans des journaux et revues, et constitués de quatre cases par planche ont pourtant attiré l'attention et influencé de nombreux auteurs locaux. Les principaux représentants de ce style sont AO You-Xiang avec sa BD Wuloom Yuan, CHU Teh-Yong et sa série Les Pétards, et Loïc HSIAO avec La Face cachée des contes pour enfants, BD constituée d'une seule et grande illustration par planche. Leur audience auprès du lectorat taïwanais n'est pas négligeable. Les bandes dessinées européennes, et surtout le style artistique recherche de la BD franco-belge, n'ont certes pas détrôné le leader nippon, mais ont comblé l'insatisfaction de nombreux Taïwanais à l'égard des mangas japonais. Des auteurs comme PUSH COMIC, Xiao-Zhuang et CHEN Hung-Yao ont trouvé l'inspiration dans les BD publiées sur le Vieux Continent.

CHU Teh-Yong : des BD sarcastiques constituées de quatre cases par planche

Né en 1960, CHU Teh-Yong a suivi une formation de scénariste et du meilleur en scène à l'institut du cinéma et l'information. En 1985, il publie Les Pétards, BD de quatre cases par planche, dans le China Times. Cette bande dessinée met en scène les disputes et les aléas d'un couple d'âge moyen. Le mari, plutôt maigre, et son épouse plutôt bien en chair, ont fait rire les Taïwanais pendant une dizaine d'années. Les sept albums de la série vont été vendus à plus d'un million d'exemplaires. Les œuvres classiques de CHU Teh-Yong sont nombreuses et variées. Ceux qui glissent sur le vinaigre, Les Demoiselles de la ville, À propos du boulot et Les Enfants absolus attirent des quantités de lecteurs aussi bien à Taïwan qu'en Chine. Sous la plume de CHU Teh-Young sont nés différentes familles et divers personnages. L'humour de l'auteur met à nu la société contemporaine, provoquant rires et larmes chez le lecteur. Ses BD sont régulièrement adaptées en séries télévisées ou pièces de théâtre qui à chaque fois ravissent les spectateurs du monde chinois.

 

 

 

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Le Fauve © Lewis Trondheim / 9ème Art+

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