[Le pays des cerisiers], par Fumiyo Kôno, chez Dargaud/Kana

[Bp]

Ca faisait longtemps que j'avais pas crée un topic, tiens.

Le pays des cerisiers, c'est une oeuvre riche, poignante et forte, qui écrase le lecteur par la puissance et la sincérité des sentiments dépeints. Décrivant le quotidien de 3 générations d'une famille touchée dans sa chair par le désastre atomique de Hiroshima, Kôno traverse traumatismes, sentiments de culpabilité et volonté de vivre malgré l'inéluctable, dressant un portrait déchirant d'une génération qui a perdu la foi en l'espoir.
La bombe atomique, outil répugnant, s'incarne tel un démon qui vole les rêves des gens tandis que Kôno l'oppose à la beauté des émotions humaines et au rayonnement d'un Japon traditionnel qui n'a rien perdu de sa poésie. A travers un dessin enfantin, l'auteur décrit avec un style sobre et dénué d'effets lacrymaux les différents sentiments engendrés par la bombe, de la terreur à l'espoir, en passant par la difficulté du souvenir et l'importance de l'avenir.

Superbe chef-d'oeuvre, court et allant directement là où ça fait mal, Le pays des cerisiers est une oeuvre indispensable, traversée d'une mélancolie prégnante et magnifique. A lire sans fautes!

Les chroniques de Mangavoraces:
http://www.akata.fr/mangavoraces.php?cat=chroniques&id=461&vol=1
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ALLIANCE, n. In international politics, the union of two thieves with hands so deeply inserted in each others pockets that they cannot separately plunder a third.

Ambrose Bierce

[namtrac]

[jolan]

Intéressant. Si on a pas envie de se taper les 50 volumes de Tadashi no Gen, est-ce que lire cette oeuvre peut compenser? Ou les deux oeuvres sont-elles quand même relativement éloignées?

Je ramasse les copies dans 3h.

[michael]

Entre le Pays des cerisiers et Pluie Noire, indispensable film du non moins extraordinaire Imamura, vient de lui-même un lien, une comparaison, et pour cause.
Ils ont le même thème : Hiroshima, la bombe, ainsi qu'un point de vue similaire : celui d'humains qui en ont réchappé et les conséquences que cela a sur leurs vies.
La différence est dans leurs traitements.

Pluie Noire nous fait revivre par l'intermédiaire de plusieurs flash-back l'événement même.
La déflagration, la ville dévastée, les corps carbonisées, noirs, immobiles, les chairs fondues... et même la vie d'après, celle des survivants, avec les proches que l'on perd les uns après les autres, entre ceux qui meurent subitement et ceux qui sombrent dans la folie, les formes de discrimination qu'ils doivent subir, etc. et sont toutes représentées dans toute la crudité de leur horreur. Le noir et blanc appuie la chose.
Ce film est une démonstration éclatante de l'absurdité et de la barbarie, et du reste.

Le pays des cerisiers nous laissera moins d'images choquantes, moins de scènes qui glacent les sangs jusqu'à l'écoeurement, mais il n'est pas pour autant dépourvu de violence, loin de là. Celle-ci se fait seulement plus distante, déjà temporellement, et n'a pas la toute puissance de représentation de la ville dévastée et de vies qui se résument à des corps sans vie ou à des cris. Pourtant émotionnellement et affectivement la déflagration ne nous est pas épargnée. Ce dessin doux, maîtrisé et intime, n'en fait que plus ressortir l'intensité par contraste.
Mais oui, comme cela a été dit, c'est par la délicatesse de la démarche de l'auteure que nous ressentons au sein de cette famille brisée que nous suivons sur ces quelques pages la violence de l'explosion par les absences qu'elle laisse. Ce n'est pas à la ville que l'on s'attache, mais aux humains, eux-aussi dévastées.
Ce subtile brûlot incandescent nous appelle à prendre garde, à prendre soin des nôtres, et, sans que l'on ne s'y attente, bien que l'on se sache déjà profondément touché, au détour d'une réflexion du père qui communique peu et qui se sait maintenant compris par sa fille, qui avoue qu'il se fait du soucis pour elle plus que tout et par là-même qu'il souffre lui aussi des blessures qu'elle a eu par la répercussion que cette détonation immonde a à travers les décennies et qui nous guète encore, nous fondons, simplement, avant que les sanglots nâ??arrivent.

Un cri du coeur, une démonstration que la vie prime, sur tout.
Un chef-dâ??Å?uvre bouleversant, une lecture comme jâ??en aurai peu.
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"Rien que d'être vivant, de respirer ce jour-là, c'était une vérité qui était comme un inexprimable miracle".
L'audacieux jeune homme au trapèze volant, William Saroyan

[michael]

Une dernière chose à souligner : contrairement à ce qui est indiqué en quatrième de couverture, "l'oeuvre polémique d'un auteur engagé", l'auteure affirme dans sa postface qu'elle a eu la démarche opposée.

Son éditeur lui ayant proposé ce projet, elle a d'abord accepté car, originaire d'Hiroshima, elle allait pouvoir utiliser le dialecte de la région. Mais, nous dit-elle, elle a vite déchanté lorsqu'elle a compris que le projet portait sur "l'ancien" Hiroshima, "le tristement célèbre".
La bombe, etc., se sont des choses qu'elle voulait fuir après des séances d'évanouissement face à des documents portant sur les événements en bibliothèque.

Et pourtant, le résultat est là, magnifique.
Et que l'auteure n'ait pas eu de posture engagée au départ, qu'elle ait eu au contraire une certaine distance avec tout ça, rend l'ensemble, à mon sens, encore plus juste et touchant.

C'est tout (si ce n'est que c'est clairement le bouquin à lire pour moi)
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"Rien que d'être vivant, de respirer ce jour-là, c'était une vérité qui était comme un inexprimable miracle".
L'audacieux jeune homme au trapèze volant, William Saroyan

[Bp]

Très beau texte Michael, qui rend justice à une oeuvre qui le mérite.
Dommage que personne ici ne semble s'intéresser à ce superbe manga, l'un des rares bons trucs que Kana a pu sortir dernièrement.

Sinon, Jolan, n'ayant pas lu Gen (enfin si, un bout de volume 1), je ne peux pas vraiment te répondre, même si il me paraît clair que les deux oeuvres ont une approche radicalement différente du problème.

J'ajoute que Pluie Noire, ce n'est pas seulement un film d'Imamura, c'est aussi un roman de Masuji Ibuse, paru en poche chez Folio.
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ALLIANCE, n. In international politics, the union of two thieves with hands so deeply inserted in each others pockets that they cannot separately plunder a third.

Ambrose Bierce

[michael]

[[-manta-]]

Je me le suis pris aussi dès que je l'ai vu en coup de coeur Mangavoraces et je suis pas déçu !

Je le lis et le relis sans jamais me lasser, c'est vraiment une lecture agréable (et poignante en même temps) de laquelle il se dégage quelque chose. Je ne saurais pas vraiment mettre de mot dessus mais je trouve qu'on ressent quelque chose c'est certain.
La courté durée des histoires montre bien à quel point ces vies qui sont bouleversés à vies ne tiennent qu'a un fil et peuvent s'éteindre à n'importe quel moment.
Et puis ce message à la fin de la première histoire :
Dix ans ont passé mais ceux qui ont lancé la bombe atomique pensent-ils encore en me voyant : "Hourra ! On en a encore tué une" ?

...

Le tout avec un style - qui me paraissait étrange puis finalement je le trouve vraiment beau - relativement simple, sobre mais tout aussi agréable que le reste du manga.

Une superbe lecture effectivement.

[Magic Fukai]

[Magic Fukai]

[michael]

Bon, j'ai recopié mon avis sur ce magnifique manga et je l'ai posté dans la foulée sur Bulledair, histoire de faire découvrir un peu plus ce livre qui semble bien être boudé et qui pourtant mérite vraiment d'être lu.

J'espère que mes fans ne m'en tiendront pas rigueur...
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"Rien que d'être vivant, de respirer ce jour-là, c'était une vérité qui était comme un inexprimable miracle".
L'audacieux jeune homme au trapèze volant, William Saroyan

[Franswa]

Aprés Le Pays des Cerisiers et Pour Sanpeï, peut-on espérer la sortie d'une autre oeuvre de l'auteure?

[jojo81]

Il y a Koko qui est sorti cette année

[Franswa]

Excellente "news", je ne savais pas, merci !
En attendant de voir d'autres titres débarquer, je vais me le procurer même s'il semble qu'il s'agisse plus d'une BD destinée à un jeune lectorat.

[herbv]

Détrompe toi, c'est du seinen
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Simple fan (auto-proclamé) de Rumiko Takahashi
Chroniqueur à du9
Ténia de Bulledair