Mangaverse à Angoulême

Manga Building

Le manga semblait être un peu en recul en 2010, comparativement aux deux années précédentes. Il y avait toujours un Manga Building avec toujours les mêmes avantages et les mêmes inconvénients, proposant une programmation toujours riche mais semblant tout de même un peu moins copieuse qu'en 2008 et 2009. La faute à un budget un peu en baisse ? On pourrait le penser en constatant la réutilisation de la tête de yokai sur la décoration de l'immeuble Franquin en lieu et place de la tête de pirate attendue ainsi qu'une exposition principale donnant une impression de moins grande richesse scénographique que les deux précédentes, consacrées au studio CLAMP et à Shigeru Mizuki, notamment avec la réutilisation de certains éléments de décors de cette dernière.

L'absence de la quasi-totalité des éditeurs spécialisés mangas/manhwa/manhua comme Tonkam, Taifu, Kurokawa, Ki-oon, Kana, Doki-Doki, etc. semble aller dans ce sens. Seuls Xiao Pan et Pika étaient vaillamment présents, Soleil, Delcourt, Casterman et Panini ne laissant que peu de place à la bande dessinée japonaise par rapport au reste de leur production. L'organisation du festival, bien consciente de ce désengagement, a lancé il y a quelques mois une réflexion avec les éditeurs concernés afin de rendre la manifestation angoumoisine plus attractive en 2011.

Néanmoins, le Manga Building nous a proposé une série d'animations dont la qualité n'a pas d'équivalent dans les autres salons, festivals et conventions dédiés au manga et à la bande dessinée asiatique. Le succès public a semblé incontestable même si la foule semblait être moins oppressante le samedi que les deux années précédentes. Il paraît que la fréquentation du festival le samedi aurait été en recul marqué par rapport à l'année précédente (pour une baisse générale de 5%, ce qui n'a pas empêché d'avoir plus de 200 000 visiteurs en tout sur quatre jours).

 

L'exposition One Piece
 
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N'étant pas très fan de Luffy et de sa bande de pirate, l'équipe de Mangaverse est passée assez rapidement à autre chose, il faut l'avouer. Une nouvelle fois, on pouvait remarquer une organisation en quatre zones de la salle Iribe. Une première partie était consacrée au monde des pirates en général afin de présenter son traitement dans la culture populaire occidentale par le biais du cinéma et de la bande dessinée. Dommage qu'il n'ait pas été possible d'y exposer le canon que se proposait de prêter le Musée de la marine. Malheureusement, le parallèle qu'il fallait faire ensuite avec l'univers déjanté de One Piece ne s'imposait pas de lui-même, d'autant plus qu'il n'était absolument pas nécessaire de commencer par là. Les trois autres murs de la salle présentaient des fac-similés de planches réalisées par Eiichiro Oda. Ces reproductions étaient tellement bien réalisées qu'on pouvait les prendre pour des originaux (ce qui a été mon cas) si on n'était pas suffisamment attentif. Impressionnant ! Deux couloirs proposaient des illustrations en couleur et des décors issus de la série télé. Enfin, le centre de la salle faisait dans le produit dérivé, rappelant que l'heure est au media mix : outre l'énorme Chopper gonflable que les visiteurs de Japan Expo connaissent bien grâce au stand Kana Vidéo, il était possible de jouer sur plusieurs consoles Wii. De plus, les plus jeunes étaient invités à dessiner autour d'une table basse leur vision de l'univers de One Piece.

 

Les rencontres, tables rondes et conférences
 
Conférence
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Pour certains, l'intérêt principal du Manga Building est là. Une fois de plus, la programmation proposait des rencontres, des tables rondes et des conférences réussies. Les deux salles habituelles étaient utilisées pour cela, la petite salle Méliès de 50 places, étriquée, sombre, peu accueillante et la grande salle Buñuel, qui dispose de 250 places confortables et où étaient organisées les événements les plus importants. L'invité 2010 était Makoto Yukimura, l'auteur de Vinland Saga et de Planètes et il s'est révélé être excellent dans son rôle d'ambassadeur de la bande dessinée japonaise.

Le jeudi commençait calmement avec une table ronde sur le phénomène manga et les raisons de son succès depuis le début des années 2000. Si des choses intéressantes ont été parfois dites, la discussion est restée trop souvent cantonnée aux expériences personelles des participants. De plus, il y avait une rendondance entre Agnès Deyzieux et Gilles Ratier, tous deux bibliothécaires. Enfin, ce dernier a montré toutes ses lacunes en bande dessinée asiatique, proférant quelques erreurs et contrevérités qu'un spectateur, XaV du site du9.org, n'a pas voulu laisser passer.

Le vendredi matin proposait une conférence, dorénavant bien rodée, sur la fabrication et les métiers du manga. En effet, elle est proposée par l'ATEP depuis trois ans à Japan Expo et avait eu lieu l'année dernière ici même : on ne change pas une formule qui gagne, comme on dit. Une nouvelle table ronde était organisée l'après-midi, mettant en avant les travaux remarquables d'artistes français dans des supports différents : Méko pour l'animation, une représentante d'Ankama pour le jeu vidéo et Vanyda pour la bande dessinée.

Toujours dans la salle Méliès, le samedi proposait une conférence assurée par moi-même, en tant que rédacteur en chef de la revue Manga 10 000 images. Plutôt orientée sur les origines du shôjo manga, elle essayait de mettre en perspective un certain nombre d'idées préconçues que l'on peut avoir sur la bande dessinée japonaise à destination des filles. Un peu plus tard dans la journée, une dernière table ronde entre des auteurs de "manga à la française" s'essayait à expliquer les raisons du succès de la série One Piece auprès du public francophone.

Cependant, pour les fans de manga, le principal était la venue de Makoto Yukimura à Angoulême. À cette occasion, les visiteurs ont eu la possibilité de voir dans la salle Buñuel deux performances graphiques didactiques du mangaka. Ces deux animations se sont révélées être tout à fait intéressantes et agréablement traduites en français par Grégoire Hellot, le directeur de collection de Kurokawa, grand habitué des lieux. Toujours dans la grande salle, mais avec un public un peu plus clairsemé, une rencontre entre Yukimura et Jean-David Morvan a été organisée. Le scénariste français est connu pour mettre en place de nombreuses passerelles entre la bande dessinée franco-belge et le manga, notamment avec la création d'un studio à Tôkyô. Enfin, Yukimira donnait deux séances de dédicaces, "Angoulême oblige".

Surtout, la venue de Yukimura a été l'occasion d'entendre Mikito Takase, tantôsha de l'auteur. En effet, cette conférence qui s'est déroulée dans une salle Méliès peu remplie était particulièrement intéressante, quoiqu'assez technique, portant sur le métier de responsable éditorial au sein du magazine Afternoon des éditions Kodansha. Avec beaucoup d'humour, notamment grâce à quelques gentilles moqueries envers l'auteur dont il a la responsabilité mais aussi envers lui-même, Takase a présenté, souvent avec le renfort de supports visuels, les différentes tâches qui lui incombaient.

 

Et le reste...
 
Manga Building
Manga Building
Manga Building
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Cette année, il ne faisait pas beau le matin sur Angoulême, à part le dimanche, et il fallait avoir de quoi se protéger de la pluie. Pourtant, cela n'a pas empêché le public d'attendre en masse l'ouverture des portes du Manga Building. Il faut dire que la programmation était riche, notamment en projections, comme on peut le voir ci-dessus.

Outre l'habituelle petite exposition de planches de l'auteur invité située au sous-sol, on pouvait retrouver au rez-de-chaussée du bâtiment de nombreux mangas proposés à la vente. Si la série One Piece avait son propre espace et si Vinland Saga était très présent, il restait de la place pour le shôjo et même pour les ouvrages plus techniques sur le manga.

Ainsi, une fois de plus, le Manga Building a été à la hauteur du reste du festival et j'en profite pour remercier les responsables et les bénévoles pour leur travail et leur gentillesse.

Herbv


Le Fauve © Lewis Trondheim / 9ème Art+
Crédits photos : herbv, manuka, minh

 

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